Innovation

Bulle évolutive digne de l’Araignée aquatique

De grands noms de l’architecture moderne – Franck Gehry, Santiago Calatrava – s’inspirent directement de la morphologie de végétaux ou d’animaux pour imaginer la structure de leurs bâtiments. D’autres exploitent les enseignements issus de la physiologie pour optimiser la gestion des flux (lumière, air, eau) et réduire les impacts environnementaux – Michael Wilford (Musée de Singapour) ou Norma Forster (Tour Swiss Re à Londres). Cette démarche a été aussi le principe directeur lors de la conception du pavillon expérimental dévoilé ce mois-ci à l’Université de Stuttgart par les équipes de l’Institute for Computational Design et de l’Institute of Building Structures and Structural Design. Ils ont exploré une nouvelle méthode de construction des bâtiments en s’inspirant de la fabrication de la cloche d’air de l’araignée aquatique.

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Agyroneta aquatica

Bien que possédant un système respiratoire similaire à celui de ces congères terrestres, l’Argyronète (Agyroneta aquatica) mène principalement une vie subaquatique. Nichée dans la végétation aquatique, sa toile lui sert à emprisonner une poche l’air qu’elle alimente par des voyages réguliers en surface et où elle piège des bulles d’air à l’aide des poils hydrophobes de son abdomen. Suite à ces apports, l’araignée renforce sa toile en ajoutant des fibres de soie, qui s’adapte alors parfaitement à la forme en cloche de la poche d’air. La structure résultante offre une résistance mécanique suffisante pour un milieu turbulent comme un courant d’eau. Elle prouve qu’une stratégie de fabrication évolutive peut être utilisée pour créer une structure stable à l’aide du renfort de fibres.

En partant d’une série d’observations sur le comportement de l’araignée aquatique, les deux équipes ont conçu et développé un procédé de construction du pavillon. Une membrane en plastique, d’abord gonflée avec de l’air, est renforcée progressivement par des faisceaux de fibres de carbone déposés par un bras robotisé. La forme du pavillon évolue en fonction des flux d’air externe et interne. Les éventuelles déformations sont analysées en continu par des capteurs. En conséquence, le bras robotisé, comme l’araignée, ne dépose des fibres uniquement où il sent une vulnérabilité de la membrane. Quand le robot a achevé son travail, le flux d’air interne est coupé et la membrane plastique devient comme une « peau » recouvrant le réseau de fibres de carbone.

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À la différence des autres modèles d’architecture, les principes de construction avec le modèle « araignée d’eau » sont fixés au préalable, mais la forme finale du bâtiment ne l’est pas. Traduction des conditions de son environnement, chaque pavillon acquiert donc une morphologie spécifique, rompant ainsi avec la monotonie pavillonnaire. En outre, le robot n’utilise que le nombre minimal, mais suffisant, de fibres de carbone comme élément de soutien. Cette construction est donc économe en matériaux. Le pavillon de l’Université de Stuttgart n’est qu’un prototype mais gageons que ce bras robotisé devienne un incontournable « technicien » des travaux publics dans les prochaines années, d’autant qu’il inscrit dans le programme Industrie 4.0 de robotisation de l’industrie allemande à l’horizon 2030.

[©(c)Roland Halbe; Veroeffentlichung nur gegen Honorar, Urhebervermerk und Beleg / Copyrightpermission required for reproduction, Photocredit: Roland Halbe]


Une vidéo décrivant l’ensemble de la démarche (durée : 3.18 mn)


Sources

Hugh Aldersey-Williams, Towards biomimetic architecture, Nature Materials 3, 277 – 279 (2004).

Liz Stinson, This Bizarre Pavilion Was Inspired by an Underwater Spider, Wired, 16/07/15.

ICD/ITKE Research Pavilion 2014-15

Photographies : Roland Halbe

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